Comment rémunérer l'habileté et la dextérité ?
C'est le sujet de l'article qui suit.(Issu de la revue Dirigeant)
J'en ai fait des photocopies que j'ai remises à toutes les personnes concernées et intéressées par la thématique.
A l'origine Adam Smith qui lie le temps et le travail.
Aujourd'hui certains restent le soir parce que Chef est encore là.
Et
moi qui ne peux arrêter mon cerveau de turbiner même en plein trajet,
dans le RER qui pue. Pourtant je suis pas payée en heures' sup.
Bref, lisez ce qui suit, les idées développées ouvrent à reflexion : Comment rémunérer l’habileté et la dextérité ? (...)le salaire
est l’exacte contrepartie du temps de travail et donc le temps, c’est
de l’argent. Prisonniers de cette équation, dès que nous parlons du
travail, nous sommes condamnés à nous livrer à des batailles de
chiffres.
par Bruno Tilliette
Depuis
un peu plus d’un siècle le temps mathématique a remplacé le temps
naturel, le temps des machines s’est substitué au temps de l’homme, le
temps économique a contraint le temps social. Nous y avons gagné la
productivité, l’abondance, l’enrichissement généralisé, quoique inégal.
Mais nous restons aujourd’hui bloqués sur cette vision quantitative et
mesurée du temps ce qui nous empêche, corrélativement, de modifier
notre conception même du travail.
Comme le rappelle
Dominique Méda, c’est le fondateur du capitalisme lui-même, Adam Smith,
qui a, dès l’origine, lié le temps et le travail :
« Lorsqu'il s'interroge sur le moyen de mesurer et de comparer les
quantités de travail elles-mêmes (comment mesurer ce qui sert de mesure
universelle à toute chose ?), Smith donne deux critères : le temps de
travail, d'une part, et l'habileté ou la dextérité, d'autre part.
Puisque, dans les faits, l'habileté et la dextérité sont souvent
difficiles à évaluer, c'est le temps qui sera utilisé.
L'égalisation
et la comparaison des différentes quantités de travail se font par le
temps, donc par ce qu'il y a de plus abstrait et de plus homogène.
Le
travail n'est donc pas seulement commele temps, il estle temps ;
celui-ci est sa matière première, son ultime constituant. Le travail
est lui-même, en dernier ressort, un cadre vide, une forme homogène,
dont le seul intérêt est de rendre les différentes marchandises
comparables.[1] »
Comment ne pas voir que toute cette comptabilité horaire est devenue caduque.
La présence d’esprit est aujourd’hui plus utile à l’entreprise que la présence de corps. Or celle-ci n’est pas garante de celle-là.
(...) Dès lors que l’on a besoin que le salarié fasse aussi travailler son cerveau pour être plus réactif et plus autonome, il faut admettre qu’on doit le payer pour son engagement intellectuel et non pour les heures passées dans un bureau ou devant une machine.
C’est
là que le bât blesse, pour deux raisons essentielles.
Ne plus exiger la
présence physique des salariés dans l’entreprise, c’est, pour le
responsable d’entreprise, accepter de perdre un pouvoir
discrétionnaire : celui de disposer du temps d’un autre.
Si l’employé n’est pas sous contrôle visuel, que fait-il ?
N’est-il pas en train de voler du temps ? Sans doute le salarié
est-il également victime d’une peur symétrique : « Si je ne
suis pas là, si on me paye pour mes compétences plutôt que pour ma
présence, comment va-t-on évaluer mon travail ? N’est-ce pas la
porte ouverte à la subjectivité totale. »
De fait, cette
inquiétude renvoie au deuxième problème, celui qu’Adam Smith avait
éludé faute de savoir le résoudre : comment évaluer
« l’habileté et la dextérité ».
Si la perte de
pouvoir sur le temps des autres est un problème psychologique qui peut
se résoudre par l’instauration de la confiance, la
valorisation pécuniaire des compétences réelles[2] et de l’engagement
reste un problème épineux, précisément parce qu’elle oblige à la
déconnexion du temps et du travail. Car le cerveau ne saurait être
soumis à des horaires fixes.
C’est peut-être en profitant de
leur temps libre, en allant jouer au bowling, que le manutentionnaire
va trouver un moyen de mieux organiser son magasin (...). De même que
paye-t-on pour la chère journée d’un consultant : 8 heures
d’intervention, 20 heures de réflexion préalable, 7 ans d’études, 15
ans d’expérience, 30 secondes d’illumination créative ou sa
notoriété ?
Dans les entreprises, l’instauration d’une part variable du salaire ou de primes est une tentative pour prendre en compte cette dimension intemporelle et immatérielle de la participation des salariés. Mais, faute de vrais repères, le système tourne souvent à l’usine à gaz.
Le problème (...) est dans la disjonction du lien entre temps et travail. C’est l’expression même de « temps de travail » qui est en cause dès lors que l’un est la seule mesure de l’autre.
Essayons de penser différemment.
L’entreprise, si elle sait inventer un nouveau mode d’organisation pour gérer et rémunérer le travail de chacun comme un apport de compétences et de créativité et non plus comme un temps subordonné, y puisera une nouvelle dynamique fondée sur l’enthousiasme et la coopération.
Ce n’est pas facile, mais c’est la condition de sa survie dans nos pays développés.
[1]
Dominique Méda, “ Le travail, Une valeur en voie de disparition ”, Alto/Aubier, 1995, page 63.
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Rédigé par : ugg boots sale | 03/12/2011 à 10:10